Matinale Big Data Rennes Atalante

Mardi 13 décembre, s’est déroulée dans les locaux de l’IRT B-Com une session des matinales by Rennes Atalante, dont le sujet était “Big Data : quelle monétisation et avec quel business model ?”

La présentation était retransmise en direct à Saint-Malo dans la pépinière L’Odyssée.

La matinée a débuté par une introduction de Bertrand Guilbaud, directeur de B-Com. B-Com est un institut de recherche privé créé en 2012. Il est composé de 230 personnes, réparties sur 4 sites : Rennes (85% de l’effectif), Lannion, Brest et dernièrement Paris.

Les speakers ont été présentés par Patrice Gelin (Inria) :

  • Simon Chignard, spécialiste de la valorisation des données, co-auteur avec Louis David du livre “Datanomics, les nouveaux business models des données”.
  • Thomas Anglade, ex-actuaire, data scientist chez Data2B.

Simon Chignard a pris la parole, afin de parler de la monétisation et des business models autour de la donnée.

Simon Chignard – Big Data : quelle monétisation et quel business models ?

Afin d’insister sur le fait que la donnée, auparavant produit de luxe, devenait peu à peu une commodité, 2 dates ont été prises :

  • 1984, non pas pour le célèbre roman de George Orwell, mais le lancement du réseau Sentinelles, système de télé-épidémiologie permettant aux médecins de déclarer via Minitel les patients présentant un état grippal.
  • 2008, pour la mise en ligne de Google Flew Trend, outil permettant de prédire les épidémies de grippe en fonction des recherches effectuées sur le célèbre moteur.

Plus proche de nous, à Vannes, et toujours sur le sujet de la grippe, le système CeltiPharm est utilisé pour analyser (de façon anonyme) les tickets de caisse des pharmacies.

On observe donc des changements dans la production de données, avec l’apparition du principe de l’ombre portée des données, qui constitue leur part non intentionnelle (exemple des métadonnées) que l’on pourra exploiter tout autant que la donnée en elle-même (un exemple a été donnée avec le reCAPTCHA, permettant la qualification de la données selon le principe du crowdsourcing).

La donnée peut ainsi être perçue de 3 façons :

  • Une matière première.
  • Un levier.
  • Un actif stratégique.

La donnée comme matière première

La donnée est souvent présentée comme le nouveau pétrole. Cette analogie n’est que partiellement exacte. En effet, 1 litre d’essence ne pourra pas être utilisé pour faire rouler 2 voitures en même temps, alors que les données peuvent-être exploitées dans de multiples applications. C’est ce que l’on appelle en économie la notion de biens non rivaux.

Une métaphore plus proche est celle du blé : lorsque l’on récolte du blé, on peut le mettre dans un circuit de distribution (le vendre), ou le replanter (le blé donnera ainsi du blé). Tout comme le blé, la donnée ne s’épuise pas lorsqu’on la consomme, et peut-être ré-utilisée.

On évoque ainsi le premier type de business model, celui des courtiers en données (ou data brokers) dont l’activité consiste à vendre de la donnée, avec pour exemple de sociétés :

  • Experian.
  • Acxiom, qui revendique 700 millions d’individus dans leur bases, via l’exploitation des données publiques, formulaires (jeux en ligne), etc.
  • GfK, pour la vente de bases de données marketing.

Ces activités impliquent généralement de gros volumes de données.

La donnée comme levier

La données peut être utilisée pour :

  • Décider mieux, plus vite (nowcasting, prédiction).
  • Décider autrement.

Le second type de business model porte sur les activités reposant entièrement sur la donnée (intensifs en données). Si l’on coupe le flux de données, l’activité s’arrête.

On retrouve des sociétés comme :

  • Supralegem.
  • Fruition Sciences (analyse des parcelles pour les vignobles).

Il est à noter que certaines activités ne reposeront pas uniquement sur la donnée. C’est la cas par exemple des assureurs, qui l’utilisent, mais dont ce n’est pas l’activité principale.

On évoque dès lors le troisième type de business model, représenté par une activité transformée par les données (comme pour le cas des assureurs, avec l’arrivée des objets connectés, qui sera évoquée plus loin).

La donnée comme actif stratégique

Celui qui contrôle la donnée ou son usage possède une arme stratégique pour défendre ou conquérir une position stratégique.

Nous en avons un exemple avec le GPS, dont la qualité du signal est contrôlée par l’armée américaine. Imaginons un moment l’impact qu’aurait la diminution de la précision du signal GPS sur le trafic automobile dans nos villes…

Le quatrième type de business model portera donc sur les plateformes et leurs APIs. On retrouve ainsi des sociétés comme :

  • Les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). En rendant leurs plateformes de boutiques en ligne incontournables pour les applications, Apple ou Google peuvent décider à tout moment de supprimer une application, ou d’en favoriser une autre.
  • Bloomberg, qui a ouvert son API afin de permettre le développement d’applications autour de son écosystème (et créer ainsi une relation de dépendance).
  • api.gouv.fr.

Après cette présentation de 45 minutes, la parole a été donnée à Thomas Anglade, afin de parler des données dans le contexte des assureurs.

Thomas Anglade – L’impact du big data sur la chaîne de valeur des compagnies d’assurance

Les données : la matière première des assureurs

Il faut remonter au XVIIème siècle pour trouver le 1er contrat d’assurance. Nous étions alors à Londres, où les armateurs avaient décidés de mutualiser le risque afin d’assurer les expéditions maritimes.

Ceci permet de souligner le fait que l’assurance est une activité basée sur l’inversion du cycle de production, avec la souscription à un service dont on ne bénéficiera pas forcément.

Les assureurs confrontés à différentes pressions externes

Plusieurs facteurs sont de nature à remettre en cause le secteur de l’assurance :

  • La technologie, avec l’émergence de solutions de calcul massif (exemple d’Hadoop, quasi-incontournable dans le monde du Big Data), constituant un fort pouvoir disruptif.
  • La compétition, avec une concentration de plus en plus forte du marché de l’assurance.
  • L’économie, avec une évolution défavorable de l’environnement macro-économique, accompagnée de la forte baisse des taux d’intérêts.

Les assureurs doivent donc envisager la transformation de leur business model.

Transformation du business model des assureurs

L’émergence de l’internet des objets (IoT) et des objets connectés entraîne une évolution de la chaîne de valeur. Avant, les données étaient collectées une fois pour être analysées. Désormais, la collecte s’effectue en continu (voire en temps réel), permettant :

  • Une tarification individuelle.
  • Une meilleure compréhension du risque.
  • Une meilleure communication avec les assurés.
  • Une gestion pro active des risques encourus.

Sur le plan des solutions technologiques, la notion de Data Lake a fait son apparition, permettant d’accueillir toutes ces données, dans un but d’analyses futures.

A quoi ressemble l’assureur du futur ?

L’assureur doit donc se remettre en cause, en adoptant une culture de la donnée, lui permettant de passer d’une organisation en silo à une organisation communicante.

Dès lors, diverses questions se posent :

  • Toutes les données sont-elles légalement exploitables?
  • L’assurance individualisée n’est-elle pas trop exposée aux phénomènes de disruption, avec un risque d’absorption par les GAFA, grâce à leur science des données?

N.d.A. : Les articles suivants permettent d’approfondir ces réflexions :

Pour conclure après cette présentation de 15 minutes, une séance de questions & réponses s’est tenue, dont sont extraits les propos suivants :

Questions & Réponses

  • Simon Chignard : “Il va devenir de plus en plus compliqué de se cacher des algorithmes”.
  • Thomas Anglade : “La prédiction s’effectue sur de gros volumes de données, et sur un large échantillon”.
  • Simon Chignard : “Il n’y a pas d’algorithme pour prédire des évènements exceptionnels, l’algorithme apprend sur la base d’évènements passés” (N.d.A. : voir la théorie du Cygne Noir).
  • Simon Chignard : “En France, la CNIL dispose de leviers d’actions contre l’abus d’usage de données”.

Les présentations sont disponibles ici.

Rédigé par: Michel Caradec

Rédacteur pour Data Bzh